Stations de ski : les commerces, dépendants du tourisme, cherchent un nouveau modèle économique

À Autrans-Méaudre en Vercors, en Isère, la station de ski a jusqu’à mars pour prouver sa rentabilité. Alors que la neige peine à tenir, les commerces de proximité sont menacés et appellent la commune à se réinventer.

Dans la commune, la partie Méaudre est vidée de ses touristes. Malgré la neige, la station est fermée en semaine pour des raisons économiques. Crédit : Anaëlle Petot

Perchée à 1 200 mètres d’altitude, Autrans-Méaudre en Vercors est une station-village. Le sol y est jonché d’une fine couche de neige. Pourtant, en ce mois de janvier, les rues de cette commune iséroise sont vides. Autour d’un café, Jean-Patrick Bolf, président de l’Union des commerçants et des artisans d’Autrans (UC2A), dresse le portrait de la situation : « À part pendant les grosses animations, le village est mort, surtout dans l’entre-saisons. »

Ici, la saison hivernale est aussi menacée. En 2016, la chambre régionale des comptes tire la sonnette d’alarme : « Il n’est plus raisonnable d’effectuer des investissements sur ce domaine, la limite du modèle économique étant atteinte ».

Pourtant, la mairie continue les investissements : plus d’un million d’euros d’après l’opposition Méautransition. Dans un article du Parisien, le maire, Hubert Arnaud, résume : « En cas de déficit supérieur à 100 000 euros constaté le 31 mars, la chambre régionale des comptes nous forcera à fermer définitivement la station ». Pour les commerçants, le tourisme reste cependant essentiel. Sans saison d’hiver, leur affaire pourrait être menacée. 

Des commerces dépendants des touristes

Alors, pour éviter la fermeture, il faut se réinventer. La commune, issue de la fusion des villages d’Autrans et de Méaudre en 2016, cherche désespérément un plan pour sauver la station. Cet hiver, le domaine d’Autrans ouvre toute la saison, celui de Méaudre seulement les week-ends de janvier et pendant les vacances, s’il y a assez de neige. De quoi réduire les coûts de main-d’œuvre de la régie des remontées mécaniques. Pour la mairie, les premiers chiffres de la saison sont « bons » et « correspondent aux projections ».

Mais pour les commerçants, cette fermeture partielle est difficile à encaisser. Côté Méaudre, les remontées mécaniques n’ont que très peu ouvert, « un week-end depuis le début de la saison, par manque de neige », résume Marie-Claire, qui travaille à l’agence postale communale.

Marie-Claire est l’agente qui s’occupe des lieux. Elle s’inquiète de l’avenir du village et de la disparition des services pour les habitants. Crédit : Anaëlle Petot

Quelques mètres plus loin, Thierry est bien seul dans son supermarché. C’est le quatrième qu’il acquiert dans les stations du Vercors. Son Spar, il le présente comme un magasin de proximité pour les habitants. « Le chiffre d’affaires, je le fais sur l’hiver. Mais avec Méaudre fermé, ça s’annonce compliqué. »

Même constat pour Léna, boulangère sur la place du village depuis plus de quinze ans. Entre deux habitués, elle glisse : « Normalement, les touristes viennent chercher leur sandwich, leur goûter… En ce moment, c’est désert. »

Léna est propriétaire de la boulangerie de Méaudre depuis 15 ans. Elle s’inquiète de la progressive disparition des touristes. Crédit : Anaëlle Petot

Faire face aux aléas climatiques

« Le plus gros projet pour la ville, c’est de faire face aux aléas climatiques qui sont bien présents pour les stations de moyenne montagne », rapporte la commune. Pour la mairie, le projet « Résilience » entre dans cette volonté. Ces réunions publiques regroupent les différents acteurs et actrices politiques et économiques, mais aussi les citoyens et citoyennes, pour parler du futur de la ville. Parce que, ce n’est plus un secret pour personne ici, le réchauffement planétaire affecte l’enneigement à vue d’œil.

Historique de l’enneigement à Autrans sur les dix dernières années. Source :  Skiinfo.fr

Évidemment, la station est loin d’être la seule menacée de fermeture. D’après les calculs de Pierre-Alexandre Metral, doctorant en géographie, 30 % des sites skiables auraient fermé en France. Cependant, la plupart sont des sites avec une unique remontée : les fermetures ne représenteraient ainsi que 2 à 3 % de la distance des pistes tricolore. Ce déclin est multifactoriel : le changement climatique, la concurrence entre stations ou encore les frais de sécurisation.

Dans une étude Nature Climate Change, publiée en juillet dernier, l’impact du réchauffement planétaire est mis en évidence. Sans recours à la neige artificielle et avec une hausse des températures de 4°C, 98 % des stations de ski européennes étudiées pourraient disparaître. Pour Jean-Patrick Bolf, président de l’UC2A, il y aura de la neige à Autrans-Méaudre dans le futur, « mais pas tous les ans ».

Des fermetures de domaines, on en observe directement dans le Vercors. À 25 kilomètres, les remontées de la station du col de l’Arzelier sont à l’arrêt depuis 2019. Une fermeture qui a entraîné dans sa chute le dernier magasin du site. Aujourd’hui, une épicerie solidaire a été mise en place par les habitants pour accéder à des produits à proximité.

De l’attractivité à l’habitabilité

Alors que le tourisme reste une source de revenu centrale dans le budget de la commune, l’Union des commerçants tente de la redynamiser. Les évènements étoffent le programme de la ville : de la Foulée Blanche, une compétition internationale de ski de fond en janvier, au Festival International du Film de Montagne en décembre.

Dans le centre d’Autrans, le Petit Casino voit, cet hiver, passer ses clients habitués. « Les personnes âgées ne font pas 20 minutes de voiture pour aller à l’Intermarché, donc ils viennent chez nous », résume le jeune couple de gérants. Mais pour eux, le manque de neige est problématique. Maintenant, la plus grosse saison de l’année, c’est l’été.

Les commerçants tentent de se réinventer pour palier les commerces manquants. Dans ce Petit Casino, les gérants ont décidé de mettre en vente des fleurs. Crédit : Anaëlle Petot

Pour Loïc Giaccone, chercheur associé à l’Institut de géographie et de durabilité à Sion (Université de Lausanne), il faut sortir du modèle de tourisme à tout prix. « Comme l’explique Philippe Bourdeau (professeur à l’Institut de géographie alpine de l’université de Grenoble-Alpes, ndlr), les stations de ski doivent passer d’un régime d’attractivité à un régime d’habitabilité. » En résumé, « les commerçants doivent être moins dépendants des touristes et plus des habitants ».


Et cela tombe bien pour Autrans-Méaudre dont la population ne fait qu’augmenter. Après le Covid, nombreux sont les jeunes – et moins jeunes – qui ont décidé de s’installer au vert, à seulement 45 minutes de Grenoble en voiture. Les commerces n’en deviennent que plus essentiels pour ces habitants et habitantes de tous les jours.