Maximilien de Wazières, viticulteur à Terramesnil (Somme), s’apprête à mettre en bouteille les vendanges de 2022. Il a débuté ce projet en 2016 avec sa femme Sarah. Crédit : Anaëlle Petot
Des champs vallonnés, des vignes bien alignées mais une humidité et un froid qui trahissent la région. Les Hauts-de-France sont connus pour leurs céréales, leurs pommes de terre ou leurs betteraves. Rarement pour leur vin. En raison du réchauffement climatique et d’une législation favorable depuis 2016, des agriculteurs et des agricultrices se sont lancées dans la plantation de vignes pour se diversifier.
Des conditions climatiques et une nouvelle réglementation
Chardonnay ou pinot noir, il y en a pour tous les goûts. Sarah et Maximilien de Wazières, gestionnaires de La Cour de Bérénice, sont les premiers à exploiter indépendamment de la vigne dans la Somme. Ils ont fait le choix de ne pas s’inscrire dans une coopérative mais de travailler en famille. Entre le colza et les pommes de terre, le couple a planté ses premières vignes en 2017. Aujourd’hui, il produit environ 50 000 bouteilles par an. Cette année, ils ont décidé de passer de trois à dix hectares de vignes.
Une installation rendue possible depuis l’assouplissement de la réglementation du 1er janvier 2016. La vigne peut désormais être plantée partout en France sans distinction géographique. Une occasion en or pour les régions plus au nord. Les terres d’argile, de silex et de calcaire « sont l’idéal pour faire de la vigne, souligne Maximilien de Wazières. Le réchauffement du climat apporte des températures et la chaleur dont a besoin le raisin pour arriver à maturité. »
À la Cour de Bérénice, les vendanges sont donc plus précoces. Si elles se faisaient auparavant en novembre, elles ont désormais lieu entre fin septembre et début octobre. « Les gens qui se lancent sont ceux qui ont un attrait pour le vin. Avec l’esprit pionnier, ils voient l’arrivée des modifications climatiques et le fait qu’on va pouvoir cultiver de la vigne plus facilement », note Maxence Podevin, conseiller viticole à la chambre d’agriculture de l’Aisne. Avec le réchauffement climatique, le nombre de cépages qu’il sera possible de cultiver dans les Hauts-de-France va continuer d’augmenter.
Cultiver pour se diversifier
Inspirés par la croissance du secteur viticole belge, qui a été multiplié par 5 en dix ans, Lauriane et Paul-Adrien Carbonnaux ont sauté le pas. Ils ont planté, en 2019, trois hectares de vignes à Fresnicourt-le-Dolmen, dans le Pas-de-Calais. Une production qui va leur permettre de se diversifier, en plus de leurs céréales. « Ce n’est pas forcément pour les conditions climatiques. Il est toujours compliqué de faire du vin dans la région. Le gel, la pluie et l’humidité sont plus difficiles à gérer », raconte-t-elle. Un projet qui l’a incité à reprendre un BTS en œnologie. La chambre d’agriculture de l’Aisne va, d’ailleurs, proposer des formations pour accompagner ces « néo-viticulteurs » dès le printemps 2024.
Depuis 2019, la coopérative Ternoveo basée à Saint-Quentin accompagne et incite ses exploitants à planter de la vigne. Sous la marque Les 130, ils sont les plus grands producteurs de vin des Hauts-de-France, hors appellation Champagne. Ternoveo souhaite rassembler 130 producteurs de vin sur 200 hectares.
Pour Patrice Bersac, président du syndicat des Vignobles d’Île-de-France, qui englobe une partie du sud des Hauts-de-France, « la vigne dans les Hauts-de-France va connaître une croissance dans les années à venir, mais elle ne deviendra jamais prédominante ».
Impossible de connaître le nombre de « néo-viticulteurs » qui ont planté de la vigne dans les Hauts-de-France. « C’est un phénomène très récent. Ce sont des exploitants généralement céréaliers qui plantent deux ou trois hectares. C’est une culture annexe de diversification », explique Maxence Podevin.
Qualité plutôt que quantité
Dans le Nord, aucun cahier des charges n’a encore été établi pour créer une AOP (appellation d’origine protégée) ou une AOC (appellation d’origine contrôlée). Ces deux labels garantissent un lien très fort entre le produit et son terroir. Dans les Hauts-de-France, tous les vins sont donc catégorisés « Vin de France ». Les producteurs sont plus libres dans la vinification mais tout autant contrôlés par les douanes.
Si ce vin nordiste n’est pas comparable avec les traditionnels Bordelais, Bourguignon ou d’Alsace, certains veulent en faire un véritable label. « Mon but n’est pas de faire une copie de ce qui existe déjà. On cherche à créer notre propre vin du terroir », précise Maximilien de Vasière. Lui préfère miser sur la qualité plutôt que sur la quantité. Chacune de ses bouteilles coûte 15 €.
Aujourd’hui, ce sont surtout les commerces locaux qui permettent de faire vivre ces exploitations. Selon Patrice Bersac, « il n’est pas et ne sera pas possible de vendre du vin à 3 € dans le Nord. C’est prendre le risque d’une ruine économique ». En plus du Nord, la Bretagne et la Normandie se sont, elles aussi, lancées dans la viticulture. De quoi découvrir de nouvelles saveurs dans les prochaines années.