Les élèves travaillent en classe séparée, par groupe de huit, lors des sorties en forêt. Crédit : Arthur Louis
C’est un cimetière qui s’agrandit chaque jour dans la forêt vosgienne. Les sapins et les épicéas, ses symboles, n’en finissent plus de mourir. Les arbres sont frappés de plein fouet par les conséquences du changement climatique. Entre sécheresse et parasites, tout un écosystème se retrouve sinistré. Les bûcherons et bûcheronnes qui travaillent au contact de cet environnement voient leur profession bouleversée par l’urgence de sauver des bois malades. Dans ce contexte, les élèves de la filière « forêt » au lycée Louise Weiss de Sainte-Marie-aux-Mines (68), se préparent à exercer ce métier en pleine évolution.
Lors de l’enseignement du bûcheronnage à ces adolescents et adolescentes, la priorité est de leur faire comprendre ses dangers. L’activité compte parmi les plus risquées en France. La sécurité est devenue encore plus importante pour les bûcherons avec les sécheresses dues au réchauffement climatique. « La forêt s’assèche de plus en plus vite, les risques qui viennent du haut sont de plus en plus courants. Parfois, certaines branches sèches cassent dans la cime et les élèves ne le voient pas, il faut donc les prévenir. », explique Charles Fréchard, l’enseignant de la classe de seconde.
Au total, 48 jeunes préparent un bac pro forêt au Lycée Louise Weiss, de la seconde à la terminale. Crédit : Arthur Louis
Des futurs bûcherons conscients de l’urgence
S’ils n’ont pas encore tous les réflexes pour éviter les dangers d’une forêt mal-en-point, les adolescents sont bien conscients de son état critique. Toutes et tous sont familiers de cet environnement pour l’avoir côtoyé depuis leur enfance : « C’est comme si j’avais grandi dans la forêt, depuis toute petite je suis dans les bois », raconte Émilie sur le chantier forestier confié à la classe de seconde. Impossible pour eux de ne pas avoir constaté l’ampleur des dégâts : « La forêt change, beaucoup d’arbres dépérissent, s’affaiblissent au fil des années », déplore Nathan, élève dans la classe de première « forêt » du lycée alsacien.
À lire aussi : POUR ARNAUD VENTURI, « LES POMPIERS SONT EN PREMIÈRE LIGNE FACE AUX BOULEVERSEMENTS CLIMATIQUES DE DEMAIN »
De quoi faire naître une conscience écologique qui influence leur vision du métier qu’ils veulent exercer. « On voit l’impact du changement climatique sur l’état des arbres. Cela nous motive encore plus » affirme Nicolas, lui aussi en première. « On va contribuer à la protection de la nature en coupant et en plantant, par exemple », poursuit-il.
Chaque lycéen et lycéenne travaille avec sa tronçonneuse attitrée lors des sorties en forêt. PHOTO ARTHUR LOUIS
À l’origine de cette vulnérabilité, une plantation productiviste. Organisée par l’État à partir des années 1950, elle montre ses limites aujourd’hui. Ce sont principalement des épicéas, une essence rentable, qui ont été semés en masse, avec un écartement très restreint. Cette méthode a permis d’assurer un rendement important mais ces conifères résistent mal aux sécheresses. Leur espacement resserré favorise la propagation des maladies. Affaiblis, ils sont attaqués par des espèces invasives comme les scolytes qui peuvent faire mourir l’arbre.
Savoir couper, mais aussi planter
La monoculture ouvre un boulevard aux menaces pour la forêt. En réponse, une plus grande diversité de variétés, plus résistantes, assurerait sa pérennité. « Aujourd’hui, l’objectif est de mélanger les essences pour limiter les attaques parasitaires et avoir une régénérescence naturelle des espèces » détaille Charles Fréchard, professeur des « bac pro forêt » du lycée Louise Weiss. « On coupe beaucoup de bois en France à cause des maladies. Il faut donc en planter de nouveaux pour maintenir notre forêt » résume Nathan qui est aussi alternant à l’Office national des forêts.
Ce nouveau rôle s’annonce d’autant plus important que le président de la République a promis de planter un milliard d’arbres sur les dix prochaines années. « Ce sont des jeunes qui vont avoir du boulot, clairement » affirme l’enseignant. Les lycéens s’y préparent au quotidien avec des cours plus théoriques sur la botanique et la biologie. Une connaissance de la nature devenue indispensable pour sauver la forêt vosgienne.
