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Bien-être animal : les éleveurs et éleveuses ont tout à gagner !

Pour Valérie Pécheux, éleveuse de vaches laitières dans les Ardennes depuis quarante ans, avoir des bêtes heureuses est primordial. Elle a mis en place toute une série de mesures pour améliorer leur santé et leur qualité de vie. Un système dans lequel elle trouve aussi son équilibre personnel.

Valérie Pécheux, éleveuse de vaches laitières dans les Ardennes
Valérie Pécheux trait 48 vaches par jour, elle commence à 6 h 30 et termine sa journée à 19 heures. Crédit : Juan Cascón

Au milieu des vaches, une combinaison bleu marine et rose fuchsia se détache. Valérie Pécheux caresse un à un les museaux des bêtes, qui restent calmes et sereines. « Elles ont toutes un nom, dit-elle les yeux rieurs, ici, c’est Penrose, Pélagie et Pastel ! ».

Elle est agricultrice depuis bientôt quarante ans. Après son mariage, à 20 ans, et des études dans le sanitaire et social, elle s’est installée dans la ferme, à Estrebay dans les Ardennes, associée avec son frère et son mari. Sur l’exploitation, production de lait, de viande et de céréales. « Depuis le début, je m’occupe des vaches laitières et de tout ce qui est administratif. » Dès son arrivée, elle met un point d’honneur au bien-être des bêtes. Quarante-huit vaches avec qui elle passe au moins six heures par jour.

Elle les trait manuellement, huit par huit, matin et soir. Pour une vache, la traite dure entre trois et dix minutes. « C’est un petit troupeau. Ça représente du boulot pour une personne. Il n’en faut pas plus. On se dit facilement qu’on va en rajouter 20, mais c’est beaucoup trop pour s’en occuper correctement. » En 2021, un élevage bovin comptait en moyenne 118 animaux, contre 94 en 2011.

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« Happy cow, happy farmer »

En 2018, Valérie a mis en place la « démarche Happy », lancée par la marque de produit vétérinaire Obione. Il s’agit d’une liste de 170 critères relatifs au bien-être des animaux, des éleveurs et éleveuses. L’accès à l’eau, les vaccinations et le logement parmi d’autres. Si 80 % des cases sont cochées, les agriculteurs et agricultrices ont accès au label. C’est le cas de Valérie qui affiche fièrement une pancarte « Ferme Happy » sur son étable. Elle a par exemple modifié le sol sur lequel se couchent les vaches. À la place d’un lit de paille sur du béton, elles se reposent maintenant sur un sol en caoutchouc. Elle tond également le dos des bovins pour faciliter la régulation de leur température corporelle et limiter la prolifération de poux.

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Les animaux sont nourris sans OGM (Organisme génétiquement modifié) avec des graines de lin extrudées, meilleures pour la digestion et la qualité du lait. L’exploitation évite aussi au maximum l’insémination artificielle. « C’est un bien précieux pour l’éleveur de travailler avec des animaux en bonne santé. Les vaches produisent plus de lait et un lait de meilleure qualité. On est à 10 000 tonnes par an et on a eu accès au label Bleu-Blanc-Coeur par exemple. » Ce dernier valorise les exploitations offrant une alimentation variée à leur troupeau.

Son fils, Germain, est plus sceptique. «Le bio, le Bleu-Blanc-Coeur, les premières années, les gens sont fous avec ça, et puis ça passe. Et on réinvente un label.» Autre limite : l’accumulation de normes à respecter et la charge administrative. « On nous perd avec les papiers. Et si on oublie de cocher une case, on nous tombe dessus. »

Mais, pour l’agricultrice, le bien-être va au-delà de cette démarche. C’est un héritage familial. « J’ai retrouvé un document, s’exclame-t-elle, le 27 novembre 1932, mon grand-père a eu un diplôme honorable de la SPA (Société protectrice des animaux). Il était chef de gare et il transportait les animaux à l’abattoir dans des wagons. Le wagon était bien paillé et les bêtes n’étaient pas en surnombre. J’ai réalisé qu’on n’avait rien inventé, on en parlait déjà du bien-être animal ! » Ce point est particulièrement important pour elle. «Je ne pardonnerai pas que le transport des bêtes à l’abattoir se passe mal. Je m’en occupe au mieux, je veux que ça suive. Je me bats aussi contre les rituels d’abattage maltraitants. On assomme la bête avant de l’égorger. C’est une obligation. On n’a pas le droit de les faire souffrir».

Mi-janvier, l’association L214 dévoilait une nouvelle enquête sur un abattoir de Mayenne et dénonçait une absence d’évaluation de l’état de conscience des bêtes, des étourdissements inefficaces et des découpes sur des animaux encore en vie.

L’empathie au centre de l’élevage 

Pour elle, c’est encore difficile de voir partir une bête, que ce soit un veau ou une vache en fin de vie. «J’ai perdu une vache qui avait 13 ans et demi, ça m’a rendue extrêmement triste. Je crois que je suis un peu sensible, quand ils viennent les charger, je n’aime vraiment pas ça, confie-t-elle, c’est compliqué de comprendre ce qui nous lie aux bêtes. On les élève, on les exploite, on les voit partir à l’abattoir, mais c’est pas pour ça qu’on n’en prend pas soin.»

Son attachement aux animaux l’a poussée a faire de nombreux sacrifices. « J’y ai laissé mon temps libre, ma vie, ma santé. Je ne supportais pas de perdre un veau, je me levais la nuit pour les réhydrater, les soigner. Il y a vingt ans, un veau valait dix euros, personne n’en voulait. Mais je les soignais jusqu’au bout, malgré les frais de soins. »

Aujourd’hui, Valérie essaie de «lever le pied». Depuis que son fils, Germain, a rejoint l’exploitation en tant que salarié, il la décharge d’une partie du travail sur le reste de l’exploitation et l’administration. « Entre les deux traites, je prends plus de temps pour mes parents et pour moi. » D’après elle, c’est évident, tout ce qu’elle a mis en place pour ses bêtes se répercute sur son propre bien-être. « Une vache vaccinée, elle tombe moins malade. Une vache mieux nourrie, elle produit plus de lait et plus facilement. L’éleveur est heureux quand ses animaux le sont ! »