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Bassin landais, irrigation innovante : dans les landes, le maïs en guerre contre le manque d’eau

Le département des Landes (Nouvelle-Aquitaine) est le premier producteur français de maïs. L’irrigation permet de doubler le rendement des terres, d’où l’enjeu de sécuriser la ressource en eau. Dans les Landes, Frédéric Dudon réutilise les eaux géothermales pour ses cultures.

Frédéric Dudon devant le bassin géothermal de Beaussiet. Crédit : Ugo Petruzzi

En 1970, une exploration des profondeurs sous Mont-de-Marsan devait aboutir à une nappe de pétrole. Finalement, de l’eau chaude a jailli, lorsque la foreuse est arrivée à 1,8 kilomètre de profondeur sous la ville. Grâce à cette eau, la régie municipale des eaux a créé un système de chauffage pour un quartier de la ville. Or, l’eau encore chaude ne pouvait continuer d’être rejetée dans le milieu naturel. Deux choix se sont alors présentés : remettre ces eaux en profondeur ou les laisser refroidir dans un bassin en surface.

La municipalité a opté pour la deuxième option : proposer à trois agriculteurs proches du quartier une eau disponible en grande quantité pour irriguer leurs cultures. Une occasion que Frédéric Dudon a saisi : « C’est la sécurité d’avoir accès à de l’eau à des seuils avantageux. »

Il faut admettre que la culture du maïs était compliquée dans le secteur. Les sols sableux, bien que « filtrants et plus faciles à cultiver » doivent être régulièrement arrosés par l’agriculteur récemment installé. Les parcelles se situant sur un secteur déficitaire en eau, les prélèvements dans les rivières sont limités voire interrompus en été, « des fois pendant un mois. » 

Depuis que le bassin d’irrigation de Mazerolles existe, une « épine du pied » lui a été enlevée, avec 2300 mètres cubes par hectares (m3/ha) disponibles pour irriguer, notamment en été lorsque le maïs a les plus grands besoins. À titre de comparaison, l’agriculteur estime que le seuil minimal pour maintenir des bons rendements est d’environ 2000 m3/ha.

Malgré le coût d’irrigation de 450 euros par hectare sur les parcelles dépendantes du bassin, l’apport est garanti comparé au reste des parcelles qui puisent dans les nappes phréatiques.

Le chiffre d’affaires que le père de 3 filles espère en tirer est supérieur à 2000 euros par hectare pour ce maïs grain irrigué. Mieux encore : la coopérative lui attribue une culture de maïs semence. Cette culture vise à refaire des graines pour du futur maïs à replanter. Ses parcelles sont bien isolées des autres maïs (pour éviter les croisements) et elle est irrigable. Cette production est bien plus rémunératrice, aux alentours de 4 700 €/ha.

Un avantage certain pour la culture du maïs

La régie des eaux assure le remplissage intégral des 330 000 m3 du bassin même si les températures sont douces. Pour utiliser cette ressource, l’agriculteur landais a procédé à l’installation de plusieurs pivots. Cette sécurité d’irrigation lui permet d’atteindre des rendements deux fois supérieurs au rendement moyen du maïs landais non-irrigué en 2022. En revanche, cette solution n’incite pas vraiment à faire des économies car la ressource est abondante. Les rendements sont maintenus indépendamment des conditions et évolutions climatiques. 

Les bouées qui lestent la bâche du bassin géothermal permettent de mesurer son remplissage. Crédit : Ugo Petruzzi

Toujours dans les Landes, certaines expérimentations visent à limiter la consommation en eau. Chez l’exploitant néo-retraité Bruno Cabé, implanté à 10 kilomètres de son homologue : un système d’irrigation au goutte-à-goutte, installé à 33 centimètres de profondeur pour alimenter le maïs est testé sur une parcelle de 1,3 ha. Il permet d’économiser jusqu’à 20 % d’eau et consomme moins d’électricité.

De son côté, Frédéric Dudon a conscience de la gourmandise du maïs. Il diversifie ses cultures avec le développement du Miscanthus. Cette plante africaine consomme moins que son homologue et résiste mieux au stress hydrique. Ses usages, différents de ceux du maïs, sont le chauffage, paillage, complément alimentaire bovin … Frédéric Dudon a pourtant essayé de semer plus tôt des variétés précoces pour limiter l’exposition estivale et ainsi économiser de la ressource. Au risque de se heurter au gel. A l’inverse, plus il « décale, plus la maturité est tardive et le risque de mal récolter est grand à cause de l’humidité. » Il a donc choisi d’irriguer ou de mettre de côté la culture de maïs.

Enfin, la question de la culture de céréales gourmandes en eau sur ces sols sableux pourrait se poser. Sachant que le même maïs est cultivé plus au sud du département, sur des terres noires (dont le taux organique donc la rétention d’eau sont élevés) permettant d’atteindre les mêmes rendements sans irriguer. D’autres projets de réutilisation de l’eau pour limiter les prélèvements en rivière se développent, comme la récupération des eaux usées de Mont-de-Marsan, désormais permise grâce au plan « eau» du gouvernement. Par exemple, un projet envisage la récupération des eaux usées de la station de Conte, afin d’irriguer 1 000 ha de culture. L’ensemble de ces projets permettront d’optimiser la gestion locale du liquide et de soulager le Midou, rivière traversant Mont-de-Marsan. Son débit devrait même augmenter, selon les porteurs de projet de réutilisation des eaux usées.