Guillaume, Abass, Ludovic et Brice transmettent leurs passions par les réseaux sociaux.
Guillaume, la star des self-services
Dans le lycée Maurice Genevoix à Bressuire (Deux-Sèvres), il est devenu la vedette des 1 000 élèves. Cantinier depuis dix ans, Guillaume Delsaux accumule les vidéos dans lesquelles il aborde son quotidien : préparation des plats, service, échanges avec le personnel… Actif sur la plateforme depuis 2021, Guillaume Le Cantinier comptabilise près de 695 000 abonnés et se félicite de voir des vocations naître grâce à son contenu. « Je reçois en moyenne deux à trois messages par semaine d’adolescents qui me demandent des renseignements sur la formation de cantinier », se réjouit-il, alors que le métier souffre d’un manque de recrutement.
« Les réseaux sociaux, c’est un tremplin qui ouvre l’accès à la presse », analyse l’influenceur. Cette exposition médiatique lui a permis d’élargir son auditoire et de témoigner dans des formations spéciales de restauration scolaire en France. À travers ses vidéos, il déconstruit les stéréotypes « du gaspillage et de la nourriture industrielle », tout en nuançant : « Au-delà de 300 couverts, il est difficile de proposer du 100 % fait maison. Nous restons des restaurants scolaires. »
Abass, le boucher commercial
Être actif sur TikTok peut faire augmenter la clientèle de son magasin. Kamara Abassamata, alias Abass (140 000 abonnés), est fier que « sa stratégie commerciale paye ». Boucher et gérant de Beef & Good à Gentilly (Val-de-Marne), il a constaté une hausse de la vente de ses produits depuis 2022. Dans ses vidéos, il présente sa boucherie, ses viandes halal d’origine française et donne des astuces de cuisine. Cependant, il évoque un cercle vicieux qui l’oblige à fournir constamment du contenu digital. « Il faut toujours être visible pour ne pas que les gens nous oublient. »
Kamara voit en TikTok un outil en phase avec son époque : « Ce réseau correspond aux codes actuels de notre société. Le public a besoin de contenus informatifs courts. Sur TikTok, en une minute, le message est passé. » Selon lui, ces nouveaux formats visuels valorisent l’image d’une boucherie moderne, proche de ses consommateurs, et ne montrent pas « seulement la part physique et sanglante de l’activité ».
Ludovic, le « Coluche de la propreté »
Sans domicile fixe pendant dix ans, devenir éboueur pour la Ville de Paris était déjà un aboutissement pour Ludovic Franceschet. Aujourd’hui, être suivi par plus de 300 000 internautes est de l’ordre de l’irréel. Pourtant, la création de son compte survient à la suite d’un incident : « En mai 2019, je me suis fait insulter par des riverains alors que j’étais en service. J’ai répondu en publiant une vidéo sur TikTok, sans but précis, qui a instantanément buzzé. Mon collègue de travail m’a encouragé à sortir d’autres vidéos afin de redorer l’image d’éboueur. »
En cinq ans, Ludovic s’est forgé une réputation de « Coluche de la propreté ». Jamais sans son sourire, il poste quotidiennement des vidéos dans lesquelles il sensibilise son public à jeter les ordures, trier les déchets… Cette notoriété l’a aidé au lancement de projets à grande échelle, tels que son autobiographie Plus tard, tu seras éboueur (2022) ou sa longue marche de récolte des déchets, de Paris à Marseille, en septembre dernier. « TikTok est un véritable outil de communication. Il suffit de s’en servir à bon escient », reconnaît cet ancien réfractaire des réseaux, atterré par le scandale des « influvoleurs » en 2022.
Brice, la passion des voitures comme vertu
« Générer du gain ? Ce n’était pas mon but premier. TikTok, au début, c’était plutôt un passe-temps », soutient Brice Maguet. Depuis 2016, il est propriétaire du garage Rep Auto à Virignin (Ain) et mécanicien à plein temps. Loin d’être familiarisé avec le réseau social, il a eu l’idée d’ouvrir un compte pendant la pandémie de Covid-19, sans s’imaginer qu’il gagnerait sa vie en partie grâce à ce biais. « Avec TikTok, je gagne entre 2 000 et 4 000 euros », confie-t-il. Mais il ne perçoit pas que du positif à travers cette rémunération : « Ce n’est pas le bon exemple pour les jeunes générations. Avec TikTok, on est payés deux fois plus que dans un poste manuel, en faisant deux fois moins. On perd la notion du mérite et de l’effort récompensé. »
Sur son compte aux 188 000 fidèles, les conseils en mécanique et les exemples pratiques foisonnent. La ligne de conduite de Brice est claire : « Je veux casser tous les préjugés sur les garagistes. Nous ne sommes pas des escrocs qui facturent à droite et à gauche. » En proposant un format vulgarisé, il cherche à séduire une plus large audience, sans pour autant s’affilier à cette vague de TikTokeurs aux métiers essentiels : « Je ne suis pas influenceur. Je ne fanfaronne pas ! »