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Le poids-lourd électrique : une solution viable ?

L’Europe des Vingt-Sept souhaite réduire de 45 % les émissions du secteur routier d’ici à 2030. Celles-ci représentant 6 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne. Si les camions électriques semblent être une solution, leur développement est lent.

La remorque McCain du camion électrique Mauffrey sert uniquement aux livraisons régionales. Crédit : Lou Thuret

Il est 7h30 et l’entrepôt de la grande entreprise Mauffrey, à Harnes (Pas-de-Calais), est en pleine effervescence. Le chargement des surgelés McCain, son principal client, doit se faire au plus vite, car il faut livrer à temps. Sur les remorques, une publicité vante une livraison 100 % électrique. Pourtant, aucune trace de ce tracteur (la partie avant du camion) innovant dans l’entrepôt.

Michel, cariste et conducteur routier depuis 32 ans, profite d’une pause cigarette accoudé à la borne de recharge abîmée : « Je n’ai pas vu le camion électrique depuis plus d’un mois, il est en réparation dans un garage de Seclin. Les moteurs fatiguent vite », avoue le chauffeur. 

En 2022, Mauffrey a fait l’acquisition du premier tracteur électrique de France. Pour mettre en avant une livraison décarbonée de ses produits aux consommateurs, l’entreprise affirme  « se tourner vers le transport de marchandises de demain ».

Michel, chauffeur et cariste depuis 12 ans chez Mauffrey à Harnes (Pas-de-Calais). Crédit : Lou Thuret

Un développement qui traîne

Selon le cabinet Roland Berger, le nombre d’immatriculations de camions électriques en Europe est passé de 1 586 en 2021, à plus de 3 000 en 2022. Si le déploiement opérationnel des camions de 16 tonnes et 22 tonnes est en plein essor, il reste néanmoins en-deçà des niveaux attendus et exigés par les ambitions climatiques. L’électrique représente encore seulement 1% du marché.

Tanguy, ingénieur commercial chez DAF, argumente : « Cela dépend de l’utilisation qui en est faite. L’électrique a un sens pour le transport régional, c’est avantageux pour la planète ». Mais son usage ne peut dépasser les 200 km d’autonomie. Chez Mauffrey, le tracteur électrique est uniquement utilisé pour les trajets Harnes-Béthune, soit une soixantaine de kilomètres. Il doit ensuite retourner à l’entrepôt pour être rechargé durant trois heures. 

« Pour l’instant, c’est impossible pour le transport national »

Sylvain, conducteur de poids-lourd frigorifique, est favorable au développement du camion électrique : « On serait plus silencieux dans les agglomérations et c’est plus écologique. Mais pour l’instant, c’est impossible pour le transport national ». Un autre obstacle ralentit le déploiement rapide des camions électriques : son prix. Un poids-lourd à batterie coûte bien plus cher qu’un camion thermique. Le prix passe donc de 180 000 € pour un camion classique à plus de 300 000 € pour un neuf électrique. Michel est catégorique : « Les transporteurs ne peuvent pas investir autant pour des trajets aussi courts ».

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L’objectif des constructeurs au sein de l’UE, comme Renault Trucks en France, est d’atteindre 40% des ventes de camions à batteries d’ici 2030. L’électrique est attractif, mais les fabricants doivent accélérer. 

Le trajet Harnes – Béthune est réalisé par un camion électrique. Crédit : Lou Thuret

Au cœur des espérances, l’hydrogène

L’Agence internationale de l’énergie l’a assuré en 2019 : l’hydrogène a un rôle clé dans la transition énergétique. Ce gaz, utilisé dans le secteur du transport à hauteur de 0,3 %, commence à se développer doucement. La pile à hydrogène repose sur une réaction chimique. C’est la rencontre entre les molécules d’oxygène et celles d’hydrogènes qui alimente la batterie du véhicule et lui permet d’avancer. Cette pile a un impact environnemental réduit, ne rejetant que de la vapeur d’eau.

Mais plusieurs limites sont à prendre en compte : son prix, quatre fois supérieur à celui d’un moteur diesel, le manque de points de recharge ou encore la production d’hydrogène, qui repose majoritairement sur les énergies fossiles. À tout cela s’ajoute le risque d’une altération plus rapide des matériaux à cause de l’hydrogène. 

D’après les membres (industriels et collectivités territoriales)  réunis à la Semaine de l’hydrogène de décembre 2022, 17% des nouveaux camions devraient, d’ici 2030, fonctionner à l’hydrogène. Malgré les limites, l’Union européenne mise sur ce gaz pour verdir le secteur du poids lourd. Mais pour atteindre cet objectif, il faut dès maintenant lever les freins et accélérer.