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Femmes et IA : Révolution en marche, mixité en pause

Alors que l’intelligence artificielle (IA) se développe, la sous-représentation des femmes dans ce domaine soulève des questions cruciales.

Illustration : Lea Fanelli

« Les femmes sont généralement sous-représentées dans l’IA », c’est la réponse de ChatGPT lorsqu’on l’interroge sur leur place dans ce nouveau domaine.

Alors que l’intelligence artificielle révolutionne le monde actuel et promet de continuer à le faire à l’avenir, il est frappant de constater que les professions associées à cette technologie sont encore majoritairement occupées par des hommes. « L’intelligence artificielle est un reflet de la société, les hommes sont mis en avant, surtout dans des postes de leadership » déclare Anna Choury, mathématicienne, entrepreneuse, spécialiste de l’IA et dans le milieu de la tech.

Cela est particulièrement préoccupant dans le contexte actuel, où la diversité est essentielle pour alimenter l’innovation. « J’ai ouvert ma première entreprise seule, très jeune. On me demandait souvent qui était mon chef, puis j’ai décidé de m’associer avec un homme de 40 ans » témoigne la mathématicienne. « Les jeunes femmes ne sont pas assez encouragées à poursuivre des études scientifiques, le problème c’est le manque de modèles féminin » ajoute-t-elle. Même dans son propre parcours, la quête de modèles féminins a révélé une absence de figures inspirantes. Cette recherche, menée avec l’espoir de prendre exemple sur des femmes ayant réussi dans le domaine de l’IA, a souvent abouti à des résultats décevants. « Je cherchais des modèles féminins pour m’inspirer dans mon travail. Je n’ai trouvé que des hommes en costume. » se souvient-elle.

Des chiffres inquiétants et des déséquilibres

Les données alarmantes de l’UNESCO viennent étayer cette réalité. Seulement 12 % des chercheurs et chercheuses en intelligence artificielle à l’échelle mondiale et 6 % des développeurs et développeuses de logiciels professionnels sont des femmes. Cette sous-représentation n’est pas simplement une question de quotas à atteindre ; c’est un risque tangible d’invisibilisation progressive des femmes dans de nombreux métiers du numérique.

En France, les femmes choisissent moins les études scientifiques, non pas par manque d’intérêt ou de compétences, mais par anticipation des défis dans un environnement professionnel largement masculin. Ce déséquilibre crée une dynamique où elles privilégient des domaines où elles estiment avoir de meilleures chances d’éviter la discrimination et de réussir professionnellement. « Il faudrait encourager les femmes à embrasser des carrières scientifiques dès leur plus jeune âge. C’est essentiel pour renverser cette tendance. », souligne Caroline Garnier, directrice des ressources humaines de la filiale française de l’entreprise SAP (System Applications and Products in Data Processing), éditeur de logiciels allemand.  « C’est un travail qui doit commencer dans la famille et à l’école. Il faut prendre le problème en tenaille » suggère Caroline. 

 Depuis plusieurs années, la mixité est au cœur de la stratégie de SAP. Caroline Garnier revient sur les enjeux de cette démarche. « Nous sommes passés du 22 % au  30 % de femmes à des postes de management ». 

« C’est un biais de naissance »

 Ce récit met en lumière les stéréotypes de genre persistants, soulignant l’urgence de remédier à la sous-représentation des femmes dans l’IA. « Cela nécessite un changement culturel profond » déclare Anna Choury. La pleine participation des femmes dans les domaines scientifiques et technologiques est « nécessaire pour garantir une IA éthique et équilibrée ». Un tel engagement est essentiel pour édifier un futur où l’IA bénéficie à toute l’humanité, avec la participation égale et significative des femmes. 

Selon Anna Choury et Caroline Garnier il n’est pas possible de savoir précisément la place des femmes au sein de l’IA dans le futur. Pour une meilleure inclusivité du secteur, il faudrait déjà que davantage de femmes optent pour des métiers scientifiques. C’est possible, mais « ça dépendra des mesures pour favoriser l’inclusion des femmes » estime Caroline Garnier. Pour promouvoir la diversité dans ces domaines, selon la DRH de SAP, il est essentiel d’encourager des mesures pour créer des espaces de travail plus inclusifs.  De cette manière, les femmes pourraient être mieux représentées dans l’IA… qui deviendrait alors plus égalitaire.

ChatGPT soutient cette théorie. Lorsqu’on questionne l’outil de conversation sur la place des femmes dans l’IA dans dix ans, il répond que « la représentation féminine dans le domaine de l’IA pourrait accroître, soutenue seulement par des initiatives en faveur de la diversité ».