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Colonies de vacances : chacun défend son idée sur la future rémunération des animateurs

En juin 2024, le comité de filière Animation rendra ses travaux au ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports qui les étudiera sur demande du gouvernement. L’instance réunit de nombreux acteurs du secteur de l’animation occasionnelle et professionnelle qui portent chacun des revendications et une vision du métier différente

Peu importe le temps de travail en une journée, l’animateur perçoit la même rémunération sur la base d’un forfait fixe. Illustration : Justine Grollier

Pour une journée « presque sans pause de 7 heures à 23 heures ». Tanguy Stein, animateur et directeur de séjours de vacances, ne peut être payé que 25,63 euros brut. Équivalent à 2,2 heures du Smic horaire, c’est la rémunération minimale prévue avec le contrat d’engagement éducatif (CEE). Dérogatoire au point de ne pas figurer dans le Code du travail, il permet d’employer des animateurs et animatrices en accueils collectifs de mineurs (ACM). Entre volontariat et emploi, la limite est fine.

C’est l’un des sujets de réflexion du comité de filière Animation qui rendra ses travaux consultatifs en juin 2024. Le « doublement du minimum légal horaire, autour de 50 euros brut » a été annoncé au 1er septembre 2024 sur proposition de Sarah El Haïry, alors secrétaire d’État chargée de la Jeunesse (2020-2023). D’ici là, une mesure d’impact a été lancée par la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) en raison d’une réserve sur la fragilité économique des structures.

Vers une refonte des contrats de travail ?

« Toutes les structures ne seront peut-être pas capables de doubler la rémunération sans augmenter les tarifs pour les familles », s’inquiète Marie Baggio, secrétaire nationale du syndicat SPE-Unsa. Elle réaffirme leur « besoin d’un contrat à faible rémunération » pour leur équilibre financier. De son côté, Anne-Claire Devoge, pour le syndicat patronal Hexopée, est intimement convaincue qu’il « faut rapprocher le taux journalier du CEE à celui d’un contrat de travail basique ». Elle espère « aller vers un adossement au Smic », soit un ratio de sept heures payées quotidiennement, « d’ici deux ou trois ans ».

« La réforme des retraites a fait resurgir l’absence de droits sociaux des animateurs », explique Marie Baggio. Se remettre au niveau du Smic permettra de « comptabiliser l’engagement répété des animateurs » dans les trimestres cotisés pour la retraite. Ce qui n’est pas le cas actuellement. La somme des « montants minimes » ne permet pas de comptabiliser les 80 jours – maximum – d’engagement en CEE comme un trimestre de cotisation pour la retraite.

Aurore, militante à Asso Solidaires, demande tout bonnement la suppression de ce contrat. Dimitri Eymin, membre fondateur des collectifs Toulouse et France Animation en Lutte, réclame « au minimum un CDD au Smic avec tout ce qui va avec comme avantages sociaux ». Quand bien même il rêve d’une « abrogation de ce contrat minable et réducteur », il reconnaît que toute augmentation de salaire est bonne à prendre.

Membre initial du comité de filière, le syndicat ASSO-Solidaires s’en est retiré en janvier 2024, dénonçant un « outil de communication ». Regrettant une défaite dans le « refus d’abandon du CEE par les employeurs et le gouvernement », il assure qu’il « va disparaître de lui-même ». L’organisation espère que « l’État sera de fait obligé de remonter les indemnités jusqu’à atteindre le Smic » face à la pénurie naissante.

Pourtant, d’autres mouvements de jeunesse aimeraient plutôt revenir aux fondamentaux de l’animation, volontaire et bénévole, afin de « dissocier une personne qui s’engage d’une autre qui est salariée », explique Anne Carayon, directrice générale de Jeunesse en plein air (JPA). La confédération d’organisations défend un statut de volontaire, sur le modèle des pompiers, conditionné à une formation et une rémunération différente de l’animation professionnelle.

Zoé, ancienne animatrice en séjour de vacances, s’inspire plutôt des hôpitaux, des usines et de la restauration pour imaginer le futur de l’animation. « Il faudrait couper la journée de travail avec une personne le matin et une de l’après-midi », suggère-t-elle avant de rappeler l’importance « de valoriser ce métier ». Sadian Diallo, directeur général des PEP59, appelle quant à lui à une « reconnaissance officielle » pour créer un « nouvel élan dans l’engagement des jeunes ».

Un contrat à l’heure et pas pour tout le monde

Aurore assure que cela passe par la prise en compte de toutes les heures de travail, dont la préparation des activités en amont. Il s’agit pour elle de « tendre vers un temps plein » et se rendre compte que le métier « ce n’est pas juste être devant les enfants ».

Un constat indéniable pour Eric Falcon, animateur, formateur et créateur de Passion Animation. Lui repense l’animation en se penchant davantage sur les personnes qui recourent à ces contrats que sur leurs conditions de travail. Il s’agit de « réserver » le CEE d’abord pour les séjours de vacances et les structures au moindre budget. L’idée étant de ne pas permettre à « des organisations » de l’utiliser.

Il compare notamment l’Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA) et l’association Evasoleil, « qui paient tous deux 30 euros par jour leurs animateurs ». À la différence, souligne-t-il, que l’une est un organisme « bénéficiaire, aux budget et chiffre d’affaires démentiels » et l’autre « un projet social et humanitaire dont le financement participatif permet d’offrir des places en colonies pour des enfants jamais partis ». Il recommande par ailleurs que 10 à 15 % du chiffre d’affaires des associations soit réservé au paiement des encadrantes et encadrants.

« Une réalité qui ne permet pas d’éviter les abus », confirme le directeur d’accueil de loisirs Nino Pousse. Il rappelle aux structures qu’elles « ne devraient pas abuser du CEE », car il est tout de même « extrêmement utile dans la gestion du budget d’une structure ».