“On demande un nouveau système de retraite !” est le message écrit sur la banderole de Tantpatrullen. Crédit : Tantpatrullen
« Entendez notre voix ! » Chapeau rouge et pancarte à la main, Eili Hirdman, 82 ans, manifeste tous les jeudis devant le Parlement suédois à Stockholm. Accompagnée de plusieurs membres de l’association « tantpatrullen » (tantes patrouilleuses), l’octogénaire dénonce le système actuel encadrant les fins de carrière en Suède, très inégalitaire. Plusieurs fois cité en exemple par Olivier Dussopt, ministre du Travail lors de l’adoption de la réforme des retraites, le système suédois permet à 28 % des plus de 65 ans de travailler, contre 10 % en France.
Depuis les années 90, la Suède traverse une des plus graves crises financières de son histoire. Le pays voit son modèle par répartition, similaire à la France, remplacé au profit d’un régime d’un nouveau genre. Ce dernier combine une retraite par capitalisation (chacun épargne pour sa propre retraite) et un système par répartition (les cotisations prélevées sur les salaires des actifs financent les pensions). En pratique, il faut avoir occupé un emploi pendant au moins quarante ans en Suède pour en tirer le meilleur parti, une situation rare pour beaucoup de femmes. « La Suède a le pire système de retraite des pays nordiques, le plus inégalitaire », dénonce Eili Hirdman.
Femmes et personnes nées à l’étranger, grandes perdantes du système
Les hommes bénéficient en moyenne d’une retraite supérieure de 30 % à celle des femmes selon l’Office Suédois des Pensions. En cause, le système favorisant les carrières longues et ininterrompues. « J’ai fait des études, et j’ai eu quatre enfants. J’aurais aimé travailler plus longtemps, mais j’ai dû prendre ma retraite à 65 ans car on a donné mon poste à un collègue plus jeune », déplore Eili Hirdman.
En Suède, l’âge de départ minimum à la retraite est fixé à 66 ans. Pourtant, près de 28 % des Suédois continuent d’exercer un métier jusqu’à 69 ans. Dans le même temps, 13 % des retraités vivent sous le seuil de pauvreté – principalement des femmes et des personnes nées à l’étranger – et n’ont pas la possibilité de continuer à travailler pour des raisons physiques ou mentales. Une conséquence du passage de la Suède à une pension publique et privée.
Un retour au travail qui s’explique aussi par des facteurs sociaux
« Le retraité typique n’est pas pauvre », tempère Staffan Ström, économiste des pensions chez Alecta (entreprise privée de gestion de fonds de pensions). Il reconnaît l’existence des plus de 66 ans vivant sous le seuil de pauvreté, mais préfère évoquer ceux qui s’en sortent. Selon une étude produite par la firme, « 80 % continuent de travailler non pas parce qu’ils ont besoin d’argent, mais parce qu’ils aiment leurs tâches et leurs collègues ». Un constat corroboré par une étude de l’université de Göteborg affirmant elle aussi que seule une personne à la retraite sur cinq doit poursuivre sa carrière pour des raisons économiques.
Lars Björkeson, directeur de l’antenne de Stockholm de Veteranpoolen, une agence d’intérim spécialisée dans le recrutement de retraités, partage l’avis de Staffan Ström. « Nous avons demandé à 2 600 de nos employés pourquoi ils continuaient à travailler avec nous après avoir pris leur retraite. La réponse était qu’ils voulaient se sentir utiles. »
Mais qui peut travailler longtemps au-delà de la retraite ? Les hommes sont 10 % de plus que les femmes à poursuivre leur carrière après 66 ans. Pour Staffan Ström, « cela s’explique en grande partie par le fait que les lieux de travail des hommes et des femmes sont différents. Il est plus facile pour un comptable que pour une infirmière de continuer d’exercer son métier ». Pour ces derniers, arrondir ses fins de mois passe presque obligatoirement par des missions d’intérim de jardinage, de nettoyage ou de bricolage. Des métiers reconnus comme pénibles et peu adaptés à des travailleurs de plus de 80 ans.