Depuis 2015, Mélissa-Asli Petit dirige le bureau d’étude et de conseil en sociologie Mixing Generation.
D’où vient la silver économie ?
En 2013, Michèle Delaunay, alors ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie, a impulsé cette dynamique autour de la perte d’autonomie des personnes âgées. On se dirigeait et on se dirige toujours vers un nombre de plus en plus important de personnes de plus de 85 ans, voire des centenaires et donc des personnes moins autonomes.
Aujourd’hui, on est beaucoup plus dans une logique de produits et de services qui vont améliorer le quotidien des retraités. Ça peut passer par l’amélioration des lits médicalisés, l’adaptation des habitats et des objets comme le groupe SEB qui crée des ustensiles de cuisine pour les seniors. Du côté des jeunes retraités, il existe aussi des ateliers de prévention sur le sport après la soixantaine.
Quelles sont les entreprises de cette silver économie ?
Dans l’ensemble, la silver économie est composée de beaucoup de start-ups qui ne parviendront jamais à dépasser le stade de très petite entreprise. Mais on peut se poser la question de grandes boîtes qui s’emparent du sujet dans l’environnement, l’alimentation. Des acteurs comme Danone, L’Oréal, ou même La Poste, qui est aussi un service de proximité, doivent identifier cette population dans leurs clients.
Quels métiers pourraient alors devenir essentiels au vu du vieillissement de la population ?
Je pense à tout ce qui concerne les sens : les audioprothésistes, les ophtalmologues, les ORL (troubles liées à l’oreille, au nez et à la gorge), les dentistes. Tout ce qui va impacter la communication, le lien social car c’est ce qui contribue à rester dans la société. Une personne sur deux après 80 ans a des difficultés auditives : c’est énorme et ils ne sont pas toujours pris en charge.
Je pense aussi aux métiers de la santé, les infirmiers et infirmières, les aides à domicile mais aussi tout ce qui concerne l’adaptation du logement. Des besoins commencent à apparaître au niveau des infrastructures physiques, qui permettent de se rendre à des activités, ou d’avoir un accompagnement pour des démarches administratives. C’est le cas des centres sociaux mais aussi des conciergeries qui peuvent guider dans des démarches de la vie quotidienne.
Par rapport aux professionnels de santé, comme les aides à domicile, la politique publique vous paraît-elle suffisante ?
Mon analyse est plutôt négative vis-à-vis de la politique publique sur le bien vieillir. À chaque mandat, on propose des lois mais rien n’aboutit. Une présentation de loi au Sénat arrive cette année donc c’est à voir. Je reproche le manque de vision sur ce que sera cette société de la longévité. Il n’y a pas non plus de vision sur l’amélioration de la situation des métiers qui accompagnent le grand âge. Il faut améliorer les salaires, repenser la dynamique du temps de travail et de la reconnaissance.
Et finalement, les retraités ont-ils une place en tant que travailleur dans l’économie ?
Certaines entreprises se rendent compte qu’il existe un vivier de personnes qui ont envie ou besoin de continuer à travailler. Je pense à l’entreprise “Senior à votre service”, qui est dédiée aux annonces d’emplois pour les retraités. Ils peuvent alors faire des surveillances d’examen, ou travailler en tant que commercial. Je fais partie d’un comité de mission pour un groupe de résidences de service seniors, et ils ont de gros problèmes de turn-over sur les postes d’accueil parce qu’il faut être présent le week-end. Ils se disent qu’ils peuvent aller chercher du côté de jeunes retraités plutôt que des étudiants.
Penser une société de la longévité, c’est penser le futur du travail et le futur de la retraite. Il y a une nécessité de changer la dynamique de réflexion : on a besoin de l’ensemble des âges pour des regards, des parcours, des expériences différentes.